Partant des frontières d’Ars pour venir rejoindre les confins de Lycosa, ce couloir est le seul à traverser de part en part le quartier. Il termine sa course dans les bas-fonds, là où il ne fait pas bon de rester trop longtemps si on n’est pas du coin. Comme l’indique son nom, même s’il s’agit de la route principale, ce n’est qu’un chemin de terre, jadis pavé. Contrairement aux longues allées droites et rectilignes de Cirna, le chemin de poussière ne fait que louvoyer entre différents endroits, passant la gare Alessio, non loin de la rue des Lys et longeant la bienheureuse taverne de l’Andretto. Si l’on veut visiter Lycosa, c’est le parfait chemin.
De mémoire d’homme, on n’a jamais connu aussi vieille taverne que celle de l’Andretto. On a l’impression qu’elle a toujours existé à cause de sa bâtisse percluse de failles et de fissures. Même les anciens parlent de l’Andretto comme s’ils la connaissent depuis l’aube des temps. Mais avant tout, cet édifice est le parfait endroit lorsqu’on est à la recherche d’une rumeur. Derrière ces murs en colombage, c’est une véritable débauche de voix tonitruantes et de propos graveleux. Sûrement le seul lieu pour lequel le vieil adage “lève toujours les yeux aux fenêtres avant de passer une porte, et tu n’en ressortiras pas les pieds devant” n’a pas de raison d’être.
Certainement le lieu le plus animé de la ville tout entière. Pour la simple et bonne raison qu’il y a tout le temps du monde, peu importe que cela soit la nuit, le matin ou le midi. C’est ici que vit tout un quartier. Avec ses établissements pour le jeu et pour les plaisirs de la chair, la rue des Lys a de quoi être attrayante. Mais sa renommée ne vient pas que de ce fait-là. C’est l’un des plus beaux endroits dont regorge Lycosa. En effet, on peut dire que cette rue regroupe à elle seule la moitié d’espace naturel de tout le quartier. Ses côtés sont bordés de buissons colorés et de petits arbustes et l’on raconte que lorsque vient la saison, un lys est présent sur chacune des façades.
Cette gare, du nom de son créateur, était auparavant le noyau central de Lycosa. Désormais, ce n’est plus qu’une vieille gare abandonnée. Elle est gagnée par la végétation, et l’électricité n’est plus qu’un lointain souvenir. Mais d’abandonnée, elle n’en a que l’apparence. Lorsque l’on passe devant, on peut entendre quelques bruits, des grincements et même, parfois, des paroles. Et si on s’approche, que l’on passe la grande entrée et que l’on pénètre à l’intérieur, alors on découvre tout un monde. Une seule voie a été dégagée et rénovée avec les moyens du bord. Et un passionné s’occupe désormais de faire marcher la seule ligne de la gare Alessio.
Ce que l’on appelle aujourd’hui ‘le dédale des suppliciés’ est un long tunnel, abritant l’ancienne rivière qui approvisionnait Lycosa. Asséchée depuis bien longtemps, ce n’est désormais plus qu’un long et étroit tunnel désaffecté. La construction étant fragile, il n’y fait pas bon de s’y aventurer. Le tunnel possède plusieurs petites entrées, dispatchées sur toute sa longueur, par lesquelles on accède à l’intérieur. L’enclave dans laquelle passait autrefois la rivière n’est plus qu’un étroit canal poussiéreux où poussent encore quelques herbes folles. Son nom n’a rien d’exagéré : au contraire, il parle de lui-même des étranges rumeurs qui circulent sur ce lieu…
Au nord du quartier de la vieille ville se dresse le dernier rempart contre les rebuts de la société. Ce ruisseau, toutes les générations l’ont regardé grossir et se tarir au fil du temps. Des hordes de gamins ont joué dedans. D’autres y ont pêché. Et le font encore d’ailleurs. Il traverse presque tout Lycosa en serpentant entre ses masures de bois et ses allées poussiéreuses. C’est lui qui chemine le long de la rue du Lys, lui qui accompagne les derniers habitants de la nuit. Lui qui approvisionne en eau tout un quartier par un curieux procédé alliant technologie et récupération d’eau de pluie. Le Creuset est en quelque sorte la dernière âme pure de Lycosa.
Les bidonvilles, une zone où la déchéance règne en maître. Ici et là, des immondices encombrent les rues. Les maisons de fortune sont souvent fabriquées avec plusieurs matériaux, comme du bois ou des plaques métalliques, bien que rares. Toutefois, on remarque parfois des lotissements où des habitats moins lugubres s’entassent les uns à côté des autres : ce sont de gros cubes taillés dans la pierre, d’une seule pièce, qu’un simple numéro différencie. Là vit la grande majorité de la population de Lycosa, bien que certains aient réussi à s’installer dans des lieux plus recherchés, non loin de la gare Alessio par exemple.
Ici-bas, les égouts ne sont pas toujours dissimulés. Dans les bidonvilles, l’eau, aux arômes difficilement supportables, s’échappe parfois, coulant le long des ‘maisons’. Néanmoins, plus on se rapproche d’Ars, plus la situation s’arrange, le système de la cité étant relativement évolué. On raconte aussi que certaines personnes vivent sous terre, alors que d’autres utilisent ces conduits afin de se rendre d’un lien à un autre. Un peu comme un réseau souterrain... Mais arriver à démêler le vrai du faux dans ces histoires est difficile, et peu de personnes s’y sont encore frottées.